BGH vous informe : factures et conditions de vente : nouvelles mentions et sanctions

Facture

Annoncées par la loi 2018-938 du 30 octobre 2018 dite « loi Egalim », deux ordonnances sont venues réformer le cadre juridique des relations commerciales. Au-delà d’une réorganisation notable du code de commerce, des modifications de fond sont apportées à la rédaction des documents commerciaux et aux sanctions encourues. Ordonnances 2019-358 et 2019-359 du 24 avril 2019, JO du 25, textes 14 et 16.

 

En résumé

  • À compter du 1er octobre 2019, toute facture devra contenir deux nouvelles mentions.
  • Les infractions aux règles de facturation ne sont plus sanctionnées par une amende pénale, mais par une amende administrative.
  • Refuser de communiquer ses conditions générales de vente peut conduire à une amende administrative.
  • Les avenants au contrat annuel conclu entre le fournisseur et le distributeur doivent être obligatoirement conclus par écrit.
  • Les services de coopération commerciale fournis par le distributeur au fournisseur doivent être pris en compte dans la détermination du prix du contrat annuel.
  • Un déséquilibre entre les obligations contractuelles de deux entreprises peut être sanctionné dans tout type de contrat.
  • La rupture de relations commerciales n’est, en aucun cas, abusive si elle est assortie d’un préavis de 18 mois.
  • L’entreprise victime d’une pratique abusive peut demander la nullité des clauses ou des contrats illicites. Le fournisseur de produits agricoles ou alimentaires peut, même en dehors de toute crise conjoncturelle, engager la responsabilité d’un acheteur qui pratique un prix abusivement bas.

 

Le formalisme de facturation
La date d’émission de la facture harmonisée
Une facture doit être émise lors de la « réalisation de la vente ou de la prestation du service ». Cependant, cette disposition renvoie à l’article 289 du CGI, lequel dispose que la facture est émise dès la réalisation de la livraison ou de la prestation de services. À compter du 1er octobre 2019, l’ordonnance 2019-359 du 24 avril 2019 fait disparaître ces différences de rédaction et chaque facture devra, sauf cas particuliers, être émise « dès la réalisation de la livraison ou de la prestation de services au sens du 3 du I de l’article 289 du code général des impôts ».


Deux nouvelles mentions
L’ordonnance 2019-359 introduit deux nouvelles mentions à faire figurer sur les factures à compter du 1er octobre 2019 (ordonnance 2019-359 du 24 avril 2019, art. 5, III). Ces nouvelles mentions sont présentées comme étant des mentions obligatoires. Pour autant, ces deux mentions ne devront être ajoutées que dans certaines situations, puisqu’il s’agit :

  • de l’adresse de facturation des parties, lorsqu’elle est différente de leur adresse ;
  • du numéro du bon de commande, s’il a été préalablement établi par l’acheteur.

Une sanction administrative
Les infractions aux règles de la facturation étaient, jusqu’à présent, sanctionnées par une amende pénale. Cette amende pouvait atteindre 75 000 € s’agissant d’une personne physique et 375 000 € s’agissant d’une personne morale. Elle pouvait également être portée à 50 % de la somme facturée ou de celle qui aurait dû l’être.
Dans la réalité, les infractions aux règles de la facturation donnaient lieu, le plus souvent, à des transactions ou à des suites pédagogiques.
Afin de rendre les sanctions plus effectives et, par conséquent, plus dissuasives, l’ordonnance 2019-359 remplace, depuis le 26 avril 2019, l’amende pénale par une amende administrative. Cette amende sera prononcée par l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation. L’amende administrative peut atteindre 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale. Ces montants sont portés respectivement à 150 000 € et 750 000 € en cas de réitération du manquement dans les 2 ans d’une première sanction devenue définitive.

 

Les conditions de vente
Nouvelle sanction pour défaut de communication des conditions générales de vente
Le refus de communiquer des conditions générales de vente (CGV) peut conduire l’entreprise qui en est victime à saisir le tribunal de commerce pour obtenir la communication des CGV, ainsi que des dommages et intérêts. Dans le cadre de cette procédure (qu’ils pouvaient d’ailleurs initier eux-mêmes), le ministre de l’Économie ou le ministère public pouvaient, jusqu’à présent, demander au tribunal de prononcer une amende civile, qui pouvait atteindre 5M €.
Cependant, cette procédure judiciaire, souvent longue et complexe, paraissait, en réalité, peu adaptée à défaut de communication des CGV.
En conséquence, l’amende civile est, depuis le 26 avril 2019, remplacée par une amende administrative dont le plafond est de 15 000 € pour une personne physique et de 75 000 € pour une personne morale.

 

Des retouches de pure forme en matière de délais de paiement
Concernant les délais de paiements, les règles en vigueur ne sont pas modifiées. Pour autant, l’ordonnance les présente désormais à travers :

  • un article socle regroupant les dispositions générales  ;
  • des articles successifs exposant les dérogations relatives aux types de produits vendus, aux différents secteurs, au transport, à l’export et à l’outre-mer, les obligations des commissaires aux comptes en matière de délais de paiement, la procédure de rescrit et les sanctions applicables.

 

Le contrat fournisseur-distributeur
Deux types de réglementation

Après avoir négocié les conditions de vente, le distributeur et son fournisseur doivent obligatoirement conclure un contrat écrit, qui peut être d’une durée de 1, 2 ou 3 ans. Sauf cas particuliers, ce contrat doit être conclu au plus tard le 1er mars de l’année pendant laquelle il prend effet.
Ces obligations sont transférées par l’ordonnance 2019-359 dans de nouveaux articles avec des modifications notables qui s’appliqueront aux prochains contrats, c’est-à-dire, en pratique, aux contrats annuels qui doivent être conclus au plus tard le 1er mars 2020. Pour les contrats en cours au 26 avril 2019 et dont la durée est supérieure à 1 an, les nouvelles dispositions devront être respectées le 1er mars 2020.
La nouvelle réglementation issue de l’ordonnance 2019-359 prévoit :

  • un régime général aux obligations allégées (dont le contenu est proche de l’ancien régime attribué aux grossistes) applicable à tous fournisseurs, distributeurs ou prestataires de services, y compris aux grossistes ;
  • des règles supplémentaires, applicables à tous à l’exception des grossistes, dès lors que les produits concernés par le contrat sont des produits de grande consommation. La liste de ces produits, définis comme « des produits non durables à forte fréquence et récurrence de consommation », doit être fixée par décret.

Deux des nouveautés prévues dans le régime général sont à souligner.


Des avenants écrits
L’ordonnance 2019-359 ajoute que tout avenant au contrat annuel (ou pluriannuel) doit obligatoirement faire l’objet d’un écrit qui mentionne la modification apportée à la convention.
Cette obligation s’applique depuis le 26 avril 2019 à tous les contrats en cours à cette date (ord. 2019-359 du 24 avril 2019, art. 5, I). Elle devrait permettre de s’assurer que l’avenant ne remet pas en cause l’économie générale du contrat et ne recèle pas une pratique restrictive de concurrence.

 

La coopération commerciale intégrée dans le prix
Jusqu’à présent, le contrat annuel (ou pluriannuel) devait mentionner les services de coopération commerciale (c’est-à-dire, pour l’essentiel, les services publipromotionnels proposés par la grande distribution) mais ces services n’avaient pas à être pris en compte dans le calcul du prix du contrat.
L’ordonnance 2019-359 modifie la règle et exige que les services de coopération commerciale concourent à la détermination du prix du contrat annuel (ou pluriannuel), ce qui suppose que soit déterminée dès le 1er mars l’enveloppe globale de ces services (exprimée en valeur et/ou en pourcentage de chiffre d’affaires) et qu’elle soit reportée dans le contrat annuel.
S’agissant des produits de grande consommation, la date d’entrée en vigueur de cette nouvelle obligation est concomitante à la date d’effet du prix convenu. Celui-ci s’applique au plus tard le 1er mars.


Les pratiques restrictives de concurrence
Une réorganisation formelle d’envergure

L’ancien article L. 442-6 du code de commerce stigmatisait treize pratiques restrictives de concurrence (voir RF 2019-1, § 350). L’ordonnance 2019-359 les regroupe et, de ce fait, ne retient plus que :

  • la recherche d’un avantage sans contrepartie ou manifestement disproportionné ;
  • le fait de soumettre un cocontractant à des obligations créant un déséquilibre significatif ;
  • la rupture brutale de la relation commerciale ;
  • la violation de l’interdiction de revente hors réseau dans la distribution sélective ou exclusive.
  • Par ailleurs, l’ancien article L. 442-6 du code de commerce énonçait, en plus des pratiques restrictives de concurrence, cinq types de clause contractuelle illicite. L’ordonnance n’en conserve que deux :
  • les clauses permettant de bénéficier rétroactivement de remises, de ristournes ou d’accords de coopération commerciales ;
  • les clauses permettant de bénéficier automatiquement des conditions plus favorables consenties aux entreprises concurrentes par le cocontractant.

Soulignons ici que les changements opérés par l’ordonnance concernant la réorganisation des pratiques restrictives et des clauses prohibées sont des changements de forme et non de fond.
Toute pratique ou clause prohibée sous les anciennes dispositions du code de commerce reste sanctionnée grâce aux notions générales apportées par la nouvelle organisation (rapport au président de la République relatif à l’ordonnance 2019-359 du 24 avril 2019).


Un champ d’application élargi
L’ancien article L. 442-6 du code de commerce sanctionnait le fait d’obtenir un avantage ne correspondant à « aucun service commercial ». Depuis le 26 avril 2019, la pratique peut être sanctionnée dès lors que l’avantage ne correspond à « aucune contrepartie ».
Cette nouvelle rédaction rend applicable la disposition à tous les contrats, et non pas seulement aux contrats de services.
Par ailleurs, l’entreprise victime d’un déséquilibre significatif était, jusqu’à présent, présentée par le code de commerce comme étant le « partenaire commercial ».
Selon la cour d’appel de Paris, un déséquilibre significatif ne pouvait donc être reproché à une entreprise que s’il existait un contrat de partenariat ou, pour le moins, des relations stables et établies autour d’un projet commun.
L’ordonnance met un coup d’arrêt à cette jurisprudence. Depuis le 26 avril 2019, il n’est plus question de « partenaire commercial » mais de « l’autre partie ». Ainsi, un déséquilibre significatif (ou un avantage sans contrepartie) peut être sanctionné même s’il s’inscrit dans le cadre d’un contrat ponctuel, et non dans le cadre d’un partenariat.
Précisions sur la rupture brutale des relations
L’ancien article L. 442-6 du code de commerce interdisait la rupture brutale d’une relation commerciale, sans donner, pour autant, de précision chiffrée sur la durée du préavis à respecter.
Depuis le 26 avril 2019, il est précisé que la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut pas être engagée s’il respecte un préavis de 18 mois.
Par ailleurs, l’ancien article L. 442-6 du code de commerce prévoyait que la durée du préavis devait être doublée lorsque la relation commerciale portait sur la fourniture de produits sous marque de distributeur ou encore lorsque la rupture résultait d’une mise en concurrence par enchères à distance. Ces dispositions sont purement et simplement supprimées par l’ordonnance 2019-359.


Mise en œuvre des actions en justice
Avant la réforme opérée par l’ordonnance 2019-359, le tribunal de commerce pouvait être saisi d’une pratique restrictive par toute personne justifiant d’un intérêt, par le ministère public, par le ministre de l’Économie ou, dans des cas particuliers, par le président de l’Autorité de la concurrence. Rien n’est changé à cela.
Par ailleurs, le ministre ou le ministère public pouvaient demander la nullité des clauses ou contrats illicites, ainsi que la répétition de l’indu. Le changement est ici : depuis le 26 avril 2016, la victime d’une pratique restrictive peut, elle aussi, demander cette nullité et la restitution des avantages indus.
Une seule demande reste réservée au ministre et au ministère public. Il s’agit de l’amende civile qui peut être relativement élevée puisque, comme avant la réforme, elle peut atteindre 5 M€, ou le triple des sommes indûment perçues par l’auteur de la pratique restrictive ou encore 5 % de son chiffre d’affaires réalisé en France.


Les marchés agricoles et alimentaires face à la grande distribution
Le fournisseur de produits agricoles ou de denrées alimentaires peut, depuis le 26 avril 2019, engager la responsabilité de l’acheteur dans l’éventualité où celui-ci pratiquerait un prix abusivement bas, même en l’absence d’une situation de crise conjoncturelle.
En effet, l’exigence d’une situation de crise conjoncturelle, prévue à l’alinéa 1 de l’article L. 442-9 du code de commerce, est supprimée par l’ordonnance 2019-358 du 24 avril 2019.
Notons, par ailleurs, que le dispositif concerne l’ensemble des produits agricoles et denrées alimentaires, le renvoi à la liste limitative de l’article L. 441-2-1 du code de commerce ayant également été supprimé par cette ordonnance.
Enfin, pourront être pris en compte les indicateurs de coûts de production ou tout autre indicateur pertinent afin de caractériser le prix abusivement bas.
Signalons que les dispositions de l’article L. 442-9 du code de commerce, dans leur version résultant de l’ordonnance 2019-358 du 24 avril 2019, ont été transférées à l’article L. 442-7 du code de commerce par l’ordonnance 2019-359.
Pour les contrats en cours au 25 avril 2019, ces nouvelles mesures seront applicables à compter du 1er septembre 2019.

 

FH 3795 Feuillet Hebdo 6 juin 2019

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